Une contribution du Père Jean-Marie Burnod – Franciscain
La découverte de l’évangile, rappelons-le encore, est bien l’évènement fondateur de l’Ordre franciscain et se rencontre avec le mouvement profond de l’histoire des hommes. « Pour revivre une expérience comme celle de François d’Assise, dans toute sa dimension, la volonté de revenir à l’Évangile, si primordiale et nécessaire soit-elle, ne saurait suffire. Il faut la complicité avec le mouvement créateur de l’histoire… Car c’est seulement au contact des aspirations profondes des hommes que l’Église se renouvelle, en renouvelant sa lecture de l’évangile _1_ . »
Ce constat, fait par Éloi Leclerc, est bien à l’origine du mouvement franciscain. C’est aussi dans ce prolongement et cette continuité que se situe le pape François en convoquant un nouveau synode sur la synodalité le 4 octobre 2023, et en publiant l’exhortation apostolique Laudate Deum, suite de l’encyclique Laudato Si.
Nous vivons dans un changement d’époque. François d’Assise, rompant avec tout le système politico-religieux de son temps, celle des seigneuries d’Église et des « bénéfices », s’engage dans une vie nouvelle qui sera celle de la rencontre de l’Évangile avec le monde des communes _2_ . Pour le pape, aujourd’hui, nous ne sommes plus dans une époque de changement, mais bien dans un changement d’époque. Il est dû à plusieurs facteurs, et parmi d’autres : la crainte de la transition écologique (Laudato Si), mais aussi les violences croissantes dans nos sociétés, des violences de type politique, verbales, et les guerres _3_ . Puis, face aux critiques acerbes qui lui sont
adressées, l’accusant de remettre en cause la doctrine de l’Église, il réfute : « Les changements culturels et les nouveaux défis de l’histoire n’altèrent pas la Révélation, mais peuvent nous stimuler à mieux exprimer certains aspects de sa richesse débordante et qui offre toujours plus ».
Nous devons constater que dans notre Église, il y a beaucoup de divisions. Le sociologue Jérôme Fourquet, cité plus haut _4_ , parle d’archipélisation de l’Église. Des groupes coexistent plus ou moins bien et s’affrontent, mais ne parlent pas ensemble. Partant de là, le synode a pour objet d’engager un processus pour dépasser les conflits par l’expérience de l’écoute. Ainsi, toutes les questions brulantes d’aujourd’hui peuvent être abordées, allant de la formation des prêtres en passant par l’accueil des femmes, l’accueil des migrants, la pastorale pour les homosexuels, les traditions culturelles, le changement climatique _5_ . La thèse fondamentale du pape à la suite du concile est l’égalité baptismale entre tous les fidèles. Comment peuvent-ils réellement participer à l’ensemble de la vie de l’Église ? Et cet ensemble ne concerne pas seulement la liturgie mais toute la vie de l’Église.
Le jour de l’ouverture du synode, en la fête de Saint François d’Assise, en conclusion de ce mois de prière pour la sauvegarde de la création, le pape François publie aussi l’exhortation apostolique Laudate Deum, critique virulente des remises en cause du changement climatique et plaidoyer pour la rigueur scientifique. Reprenant les thèmes de l’encyclique Laudato Si, il enfonce le clou : « L’attention que nous portons les uns aux autres et l’attention que nous portons à la terre sont intimement liées. Le changement climatique est l’un des principaux défis auxquels la société et la communauté mondiale sont confrontées. Les effets du changement climatique sont supportés par les personnes vulnérables, que ce soit chez elles ou dans le monde entier _6_ . »
_1_ Leclerc (Éloi), François d’Assise, le retour à l’Évangile,
DDB, 1981, p. 245.
_2_ Cf. plus haut p. 18-22.
_3_ Cf. Théobald (Christian), Entretien à Vatican New, 3
octobre 2023.
_4_ p. 56.
_5_ C’est du moins ce qui ressort du document préparatoire à
la première session.
_6_ Laudate Deum, 3, citant les évêques des États-Unis.